Le Conseil de l’Europe juge que le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié constitue une entorse à la charte sociale européenne. Décryptage des conséquences de cette décision avec le syndicaliste CGT Laurent Feisthauer.
Le Comité européen des droits sociaux (CEDS), devant lequel la CGT et FO avaient contesté le plafonnement des indemnités prud’homales par la loi française, vient de donner raison aux syndicats. Dans une décision rendue publique ce lundi, le Conseil de l’Europe reconnaît qu’il y a bien « violation » par la France de la charte sociale européenne, dont elle est signataire.
Cette décision est de taille puisque cette charte est le complément de la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine des droits sociaux et économiques. C’est un texte juridique international contraignant.
Dans sa décision, le CEDS confirme l’analyse des syndicats, pour qui les réformes du Code du travail introduites par l’ordonnance du 22 septembre 2017 « sont contraires à l’article 24 de la charte européenne (droit à la protection en cas de licenciement), au motif qu’elles instaurent un plafonnement de l’indemnisation en cas de licenciement sans motif valable », et que ces réformes ne garantissaient donc pas un droit de recours effectif contre un licenciement abusif.
Comment réagissez-vous à cette décision ?
LAURENT FEISTHAUER
C’est une très bonne nouvelle. C’est tout un pan de la loi travail qui va tomber. Le licenciement à moindre coût pour l’employeur, c’est fini. L’inversion de la hiérarchie des normes et le plafonnement des indemnités étaient des grands piliers de la loi travail. Cette décision va tout à fait dans le sens de notre analyse sur cette loi et sur toutes celles qui ont suivi, comme les lois sur la fonction publique, qui sont une destruction de tout le Code du travail.
Un patron sait très bien par rapport à l’ancienneté du salarié combien ça va lui coûter quand il licencie. Donc, il n’hésitait plus. Un salarié qui avait trois ou quatre ans d’ancienneté ne touchait même pas un demi-salaire d’indemnités. Ce n’était rien. Avant la loi travail, un patron ne savait pas s’il y allait avoir ou non des indemnités de préjudice qui allaient lui tomber dessus. Donc il était beaucoup plus frileux pour licencier.
Quelles ont été les conséquences du plafonnement des indemnités de licenciement instauré par la loi travail ?
Ça a été, d’une part, l’augmentation des licenciements et, d’autre part, la diminution drastique des cas aux prud’hommes. On avait de moins en moins d’affaires de contestation de licenciement car, dès que l’on demandait des indemnités supérieures au barème fixé par la loi (dit « barème Macron »), on se faisait retoquer en appel. Donc les gens n’allaient plus aux prud’hommes. Le salarié n’avait pas grand-chose à gagner à contester un licenciement.
Il faudra que les conseils des prud’hommes aillent au-delà du barème légal, et que cela soit validé en appel. Il faudra une jurisprudence qui s’appuie sur cette condamnation européenne. Nos dirigeants nous rappellent assez qu’on est dans un cadre législatif européen quand ça les arrange. Il va falloir se battre pour la faire appliquer, mais ça donnera du grain à moudre aux prud’hommes.