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Commission exécutive confédérale du 9 décembre 2004
Intervention de Thierry LEPAON

A la suite du rapport d’Alain Alphon-Layre et avant de passer la parole à Michel Faivre-Picon pour la CFC, je souhaite m’exprimer personnellement devant vous. 
Dans cette période de crise aigüe que nous traversons, la première étape est de pouvoir partager les informations, les ressentis personnels et les analyses.
C’est l’objet de cette intervention. 
Je vais redire un certain nombre de choses qu’Alain a déjà exprimées. Ce n’est pas grave.

Suite à l’article de l’express paru la semaine dernière, faisant état de la prime que j’ai touchée lors du départ du Comité régional de Normandie, j’ai réuni le bureau mardi matin 2 décembre. 
Le bureau s’est réuni une deuxième fois le vendredi 5 décembre.
Mardi dernier, j’ai expliqué aux membres du bureau dans le détail la façon dont cette prime avait été décidée et calculée, ainsi que la décomposition du montant de 31 000 euros du chèque que j’ai touché de la région Normandie pour solde de tout compte.
J’ai proposé au bureau de faire un communiqué en direction de nos organisations pour donner l’ensemble des informations.
Majoritairement, le bureau a considéré qu’il n’était pas opportun de communiquer avant le 5 décembre et que l’ensemble des explications devaient être adressées en priorité à la direction confédérale lors de la réunion d’aujourd’hui et dans la foulée à nos organisations.
Communiquer ces informations dès le 2 décembre aurait pourtant permis d’éviter de laisser traîner dans la presse des montants de 100 000 voire 200 000 euros, comme cela a été le cas.
Des parties de débats, des phrases prononcées mais sorties du contexte de la réunion et des informations, partielles ou déformées, se sont retrouvées sur le site des Echos, du Monde ou du Figaro, à peine nos réunions terminées. 
Les mêmes camarades qui condamnent le fait que les valeurs de la CGT ont été trahies, jettent la CGT, ses organisations et ses premiers dirigeants, en pâture aux médias. 
La campagne de presse qui se déchaîne depuis maintenant un mois dépasse tout ce que la CGT a pu connaître de mémoire de militant. Elle vise de façon violente la personne du Secrétaire général de la CGT. 
Cette campagne médiatique n’épargne personne, a pour objectif évident de déstabiliser les syndiqués, de blesser, de faire perdre nos repères les plus élémentaires en installant une suspicion généralisée. 
Le respect de la démocratie dans notre organisation est lui-même devenu un enjeu, car le temps de la démocratie n’est pas celui des médias. 
Cette campagne échappe d’évidence à ses propres initiateurs internes, qui continuent toutefois à l’alimenter par des rumeurs.
Le but est de faire mettre un genou à terre à la CGT dans une période cruciale pour les salariés et les citoyens. 
La période choisie pour la déclencher ne relève pas du hasard, quelques jours avant une élection cruciale dans la fonction publique, au moment où la CGT fait événement par ses propositions dans le cadre de la négociation sur la démocratie sociale, et où le pacte de responsabilité est qualifié d’échec du gouvernement par le Ministre de l’Economie lui-même.
Les rumeurs les plus folles circulent. Je vais donc vous livrer toutes les informations me concernant permettant de rétablir quelques vérités. 
En disant « toutes » les informations, je mesure d’ailleurs l’incapacité dans laquelle je suis au moment où je vous parle à pouvoir imaginer les calomnies qui peuvent sortir demain. 
D’abord les informations que je dois à l’organisation concernant la prime :
- D’abord, il ne s’agit pas, comme la presse l’a écrit, d’une rupture conventionnelle, mais d’une prime de départ, puisque j’ai démissionné du comité régional pour arriver à la confédération. 
- Pardonnez- moi de revenir quelques années en arrière, lorsque j’ai été licencié de Moulinex, en mai 2004 dans le cadre du plan social. 
J’ai, au même titre que les autres salariés licenciés, touché une indemnité de licenciement. 
Je suis resté 30 mois au chômage, entre mai 2004 et décembre 2006, d’abord en touchant les ASSEDIC (1150 euros) puis à la fin, l’ASS (440 euros). 
Pendant cette période, parallèlement à mes activités syndicales dans le syndicat de Moulinex pour assurer la défense des salariés licenciés, j’ai assuré la fonction de Secrétaire général de l’Union Départementale du Calvados. 
J’ai assuré cette fonction bénévolement dans l’attente du résultat du procès en décembre 2006.
- Je suis resté Secrétaire général de l’UD entre 2001 et 2007, avant de devenir Secrétaire du Comité régional entre 2006 et 2013.
- Lorsque le Comité régional Normandie a organisé mon départ en vue de prendre la responsabilité de Secrétaire général de la CGT, dans les conditions connues de tous ici, les camarades du Comité régional ont décidé de reconnaître cette période d’activité militante en tenant compte du préjudice que cela créait sur ma retraite. Ils ont décidé de me verser une indemnité, calculée sur la base de mon ancienneté à la région.
- Cette indemnité, déclarée, s’élève exactement à 26 650 euros.
- Je l’ai acceptée dans ces conditions, sans imaginer que cela pouvait poser problème.
Alain vous a donné les éléments livrés au bureau concernant les échanges financiers entre la confédération et le comité régional pour solder mon départ. 
La confédération a par ailleurs racheté au comité régional de Normandie la voiture de fonction qui était mise à ma disposition en tant que Secrétaire général du comité régional. 
Nous pensions initialement que je ferais les allers et retours en Normandie avec cette voiture. 
La réalité s’est vite imposée, c’était impossible pour des raisons de sécurité, compte tenu de mes amplitudes de travail pendant la semaine. Cette voiture fait partie du parc confédéral.
Je vous indique par ailleurs que mon salaire actuel est de 4000 euros nets par mois, avec un 13ème mois. 
Mon salaire avait été fixé initialement par la confédération à 5200 euros. 
J’ai considéré que ce montant, même s’il est peut-être justifié, était trop élevé pour un Secrétaire général de la CGT. J’ai donc demandé à ce qu’il soit ramené à 4000 euros.

Voilà, ensuite, la vérité sur un ensemble de rumeurs qui circulent.
Je vais les lister et y répondre, du moins pour celles qui regardent la CGT :
- Les vélos : comme chacune et chacun d’entre vous le sait, j’ai eu un accident cardiaque l’an dernier. Mon cardiologue m’a demandé de continuer, malgré ma fonction, à faire régulièrement un peu de vélo. Pour des raisons de sécurité, la CGT a dû acheter des vélos pour mes accompagnateurs. Les vélos ont été achetés chez Décathlon, ils appartiennent au service sécurité de la confédération, y compris celui que j’utilise. 
- Mes vacances en Corse : oui j’ai passé une semaine de vacances en Corse du 2 au 9 août cette année. Non, ces vacances n’ont pas été payées par la confédération. J’ai loué personnellement, par l’intermédiaire d’une annonce trouvée sur « Le Bon Coin » une petite maison de deux pièces à Calenzana.
- L’achat d’un terrain au bord de la mer en Normandie : oui, j’ai l’intention d’acheter un petit terrain, si possible au bord de la mer, en Normandie pour y faire construire une maison. Non, mon projet n’a pour l’instant pas abouti.
- Mon logement à Cabourg : oui j’habite depuis 7 ans un logement HLM à Cabourg, auquel j’ouvrais droit à l’époque. Compte tenu de mes revenus actuels je paie un surloyer, comme c’est la règle.
- Non, je n’ai pas fait refaire mon appartement de Cabourg aux frais de la CGT. Je ne l’ai d’ailleurs pas fait refaire du tout.
- Les conditions de mon embauche chez Moulinex : c’est la rumeur historique. Nous avons déjà communiqué avant mon élection comme Secrétaire général. Je n’y reviens donc pas.

La CGT traverse une crise grave, inédite par son ampleur et par son caractère. Il faut qu’elle puisse en sortir par le haut rapidement. C’est notre responsabilité. 
La première réponse à apporter concerne nos règles et nos pratiques. 
Nous avons besoin de faire un état des lieux de nos pratiques et de définir les règles et procédures nécessaires pour que celles-ci soient conformes aux valeurs de la CGT.
C’est le travail entrepris par la CFC et le bureau confédéral.
Peut-être, à partir des débats d’aujourd’hui, pourrons- nous mettre un certain nombre de dispositions en œuvre immédiatement.
La deuxième réponse est politique. 
En premier lieu, la CGT doit reprendre sa place sans attendre, sur le terrain où on l’attend : être auprès des salariés sur leurs revendications, faire des propositions qui leur permettent d’agir sur leurs lieux de travail, dans leur travail, et de se mobiliser. 
Il est urgent qu’un plan de travail de la CEC en direction des syndicats puisse s’inscrire dans le prolongement des réunions interrégionales du mois de janvier, celles que nous avons intitulées « Partageons nos succès ».
Nous devons rapidement nous exprimer sur la question du temps de travail et sur les dispositions prévues par le projet de loi Macron qui ont toutes pour but d’affaiblir encore un peu plus les droits des salariés dans notre pays et de lancer une nouvelle phase de privatisation des services publics.
Nous devons établir la responsabilité des organisations patronales qui réclament les 41 milliards d’euros tout de suite et considèrent qu’ils ne sont pas suffisants pour qu’elles s’engagent en faveur de l’emploi.

Nous avons aussi besoin d’affronter le débat entre nous autour des grands enjeux qui ont été posés par notre congrès et qui traversent les organisations. Beaucoup sont identifiés dans les courriers adressés par nos organisations à la Direction confédérale. J’en ai fait état lors des rencontres que j’ai eues avec les membres du bureau confédéral.
Je les résume :
1) Notre démarche syndicale, notre rapport aux salariés dans la construction des revendications avec le choix que nous avons fait de rentrer par la porte du travail,
2) Le processus de construction des luttes,
3) Le rapport de la CGT avec les autres organisations syndicales, le politique, et le monde associatif,
4) Notre place et notre contribution dans le syndicalisme mondial et européen,
5) L’articulation du travail entre les différentes instances qui constituent la direction de la CGT : le CCN, la CE confédérale et le bureau confédéral,
6) L’organisation du travail au sein de notre maison confédérale.
Enfin, les 120 ans de la CGT doivent nous aider à revenir sur ce qu’est une confédération, et en quoi est-ce une valeur ajoutée.

Dans une crise comme celle-ci, il est normal que des points de vue divergents s’expriment. La CE confédérale est précisément le lieu où la parole doit être libre. J’invite chacune et chacun à agir en responsabilité et à contribuer aux décisions dans le seul intérêt de la CGT, dans le respect de nos règles de vie et des orientations votées en congrès.

Quant à moi, je suis certain que ma vie militante et personnelle aurait été moins compliquée si j’étais resté Secrétaire du Comité régional Normandie. 
C’est dans une situation très difficile que j’ai accepté de devenir Secrétaire général, avec l’objectif de permettre à la CGT de se rassembler et de retrouver un élan collectif et démocratique.
C’est toujours dans cet état d’esprit, que je serai très attentif aux débats et que je me rangerai à l’avis et à la décision collective.