Dans un article récent, sous forme d’interview accordé au Figaro le 20 juin, la DRHG (et DirCom) donnait son sentiment sur les dispositifs internes pour lutter contre la «Fragilité». Le terme n’est pas anodin puisqu’il est employé 3 fois – en dehors du titre lui-même. Là où l'excercice de DRH atteint ses limites, la communication est parfois utile. La DRHG met en avant l’enquête annuelle sur les conditions de travail et «l’équipe d’une dizaine de médecins du travail et d’une vingtaines d’infirmières pour alerter sur certaines situations.» Elle ajoute : «nous disposons aussi d’un réseau d’assistantes sociales au service des salariés». Nous aimerions bien que la vérité soit aussi angélique. Nous dénonçons la volonté de mettre à mal l’indépendance du service de santé au travail interne et le service social (bien avant l'arrivée de la DRHG). Difficile de ne pas relever la divergence entre l’article et la réalité. Nous vous proposons une autre vérité. Celle donnée par une des premières victimes de cette politique, un médecin lui-même.
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La CGT de la Société Générale : Bonjour Docteur, merci de me recevoir aujourd’hui pour parler du service de santé au travail des Services Centraux. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter, depuis quand êtes vous à la Société Générale et quels sont les périmètres qui sont sous votre responsabilité depuis votre arrivée.
Un Médecin du travail de Val De Fontenay : Je suis médecin du travail à la Société Générale depuis septembre 2012. A mon arrivée, je m’occupais pour la moitié de mon périmètre des salariés des Services Centraux basés à Val de Fontenay appartenant à SIOP à l’époque, devenu ITIM par la suite. L’autre moitié était composée de salariés de BDDF : J’avais 7 DEC et 3 PSC. Ce qui était un effectif énorme qui, d’après le logiciel, représentait 3265 personnes. C’était également mon effectif en 2013 et puis il s’est peu à peu réduit avec l’arrivée d’autres médecins pour arriver actuellement, avec des fluctuations, à 2509 personnes réparties sur le Services Centraux (BDDF, ITIM), dans les immeubles de VDF et les DUNES et le Réseau (3 DEC et 1 PSC). Et dans la mesure où il n’y a qu’un seul médecin au DUNES, mon collègue, l’autre Médecin de VDF, nous la remplaçons quand il est en congé.
CGT SG : En tant que médecin du travail, pouvez-vous nous parler des conditions de travail dans les différents secteurs de votre périmètre et avez-vous noté des évolutions de ces conditions de travail depuis votre arrivée ?
« Plus je découvre la Société Générale, plus je me dis qu’il n’y aucun secteur où les choses vont bien, où les conditions de travail ne sont pas délétères pour les salariés. »
Médecin du travail de VDF : Plus je découvre la Société Générale, plus je me dis qu’il n’y aucun secteur où les choses vont bien, où les conditions de travail ne sont pas délétères pour les salariés. De plus en plus de personnes, en souffrance au travail, viennent me voir. Mais je dois dire que c’est la première fois que je travaille dans une entreprise, avec autant d'effectifs. Et avec des réorganisations et des déménagements incessants qui font que, même après 6 années, je n’ai pas une image exacte, dans ma tête, de l’organigramme des services. En conséquence, ne connaissant pas les managers, je ne peux pas faire toute la prévention comme je le voudrais, par exemple dans des cas de management toxique. Et ça c’est quelque chose qui me gêne car il est difficile de signaler des cas de souffrance uniquement sur une plainte de quelqu'un sans connaître le manager. Cela peut être extrêmement grave pour le manager qui est parfois accusé à tort. Donc avant de faire un signalement il faut que je connaisse au minimum le service, il faut que j’aie rencontré des salariés. Une autre difficulté, que je trouve importante ici à VDF, est le nombre important des salariés prestataires que je ne vois pas en tant que médecin. Et c’est une autre difficulté, comme je le dis souvent, pour faire mon puzzle, pour essayer d’améliorer les conditions du travail. En conséquence, toute la prévention primaire est impossible à la Société Générale.
« La prévention collective est très difficile et il est de même pour la prévention individuelle, les médecins sont RH dépendants »
Par ailleurs, je n’ai pu travailler réellement en collaboration avec un service RH centralisé, de la même façon qu'avec un comité central d’entreprise, où les médecins peuvent travailler avec la RH sur les problèmes qui seraient soulevés. Trop souvent encore, on ne met pas au courant le médecin du travail en cas de harcèlement. Certains gestionnaires RH le font mais pas tous. La prévention collective est très difficile et il est de même pour la prévention individuelle, les médecins sont « RH dépendants ». Avec certains RH, on peut le faire et dans mon rapport annuel (2017) je remercie un certain nombre de managers et de RH avec qui j’ai pu travailler pour améliorer les conditions de travail mais il y en a beaucoup, avec qui je ne peux même pas travailler.
CGT SG : Et pour faire vos remontées ou vos signalements, vous êtes également « RH » dépendant ?
Médecin du travail de VDF : Il m’est arrivé, il y a deux ans, de rencontrer un problème grave et j’ai d’abord commencé par alerter le RH puis remonté l’échelle hiérarchique, comme on a l’habitude de faire, et finalement je suis arrivée jusqu’à ma responsable (Marie Langlade Demoyen RHCO/SSA/DIR anciennement RSO). Et quand je lui ai signalé le problème, elle m’a simplement dit que beaucoup de gens étaient déjà sur le dossier. Finalement ça a duré un an, jusqu’à ce que l’on propose une rupture conventionnelle à la personne qui s’est bien abîmée pendant un an.
CGT SG : Vous avez parlé de personnes venant vous voir en état de souffrance au travail, c’est à dire en état de souffrance due au travail. Ce sujet, assez polémique, est le plus souvent ignoré par l’entreprise qui tente de l’attribuer à des causes personnelles et éviter de l’expliquer par des défaillances organisationnelles de l’entreprise. Lorsque vous affirmez qu’il y a une souffrance due au travail, sur quoi vous basez-vous ?
« … et ce sont des gens qui n’ont jamais fait de dépression, qui n’ont pas d’antécédent et qui tout d’un coup, se retrouvent en état d’épuisement professionnel. »
Médecin du travail de VDF : Très souvent un individu peut être en souffrance pour de multiples raisons et en effet, les facteurs personnels et professionnels sont mêlés. Mais ça m’est arrivé dans de nombreux cas où les salariés dont la situation personnelle est au beau fixe me disent « Heureusement que j’ai ça pour arriver à tenir le coup » et ce sont des gens qui n’ont jamais fait de dépression, qui n’ont pas d’antécédent et qui tout d’un coup, se retrouvent en état d’épuisement professionnel. Ils me racontent leurs conditions de travail avec tous les facteurs de risques que l’on connait. Une grande partie de ces facteurs sont là et ont, petit à petit, abîmé des gens qui n’ont, comme seule faiblesse, d’être surinvestis dans leur travail, même si je sais que la Direction dit que « ce sont des gens fragiles ou ce sont des gens qui ne savent pas s’organiser dans le travail ».
CGT SG : Nous connaissons le discours de la Direction et de son objectif : Il s’agit de faire porter la responsabilité de sa santé par le salarié. Nous avons vu apparaitre la vague de communication qu’est la QVT (qualité de vie au travail) où vous, les médecins, avez été fortement sollicités par la Direction à participer activement pour parler de problèmes de santé publique, comment gérer son sommeil, son stress, son temps, sa nourriture etc... Et éviter, par la même occasion, de parler des effets et conséquences néfaste dus à l’organisation et des méthodes de management de l’entreprise. Parmi des personnes qui sont en souffrance au travail, avez-vous pu observer des catégories de personnes plus fragiles que d’autres ?
« … les gens ne sont pas fragiles, mais c'est ce que dit la Direction. »
Médecin du travail de VDF : je n’aime pas votre expression « les personnes les plus fragiles », les gens ne sont pas fragiles, mais c’est ça que dit la Direction. Et quand je suis alertée quelques fois par un RH ou un manager, qui me disent : « Pourriez-vous recevoir le salarié » parce ce qu’ils ont eu la formation RPS, ils trouvent toujours une cause "il (le salarié) a perdu son grand père, il a perdu son chien"… pour justifier que le salarié est fragilisé par ses problèmes personnels. Mais non, ce n’est pas ça qui l’a fragilisé, se sont de mauvaises conditions de travail.
CGT SG : Merci de m’avoir corrigé, en effet l’entreprise nous impose son vocabulaire…
Médecin du travail de VDF : Je suis désolée d’avoir réagi car je suis tellement en colère contre ces mots employés, sans arrêt, quand quelqu’un est fragilisé par ses conditions de travail et que l’on entend dire : Non, ce ne sont pas les conditions du travail qui sont en cause mais les problèmes personnels. C’est cela qui rend en colère car cela n’est pas vrai. Pour revenir à votre question, ce sont des gens surinvestis. J’en ai vus dans les Services Centraux, dans les DEC, ils racontent comment cela se passe: l’absence de soutien hiérarchique quelques fois et ça c’est important ; l’absence de collectif ; la surcharge de travail et l’alerte qu’ils ont pu remonter et qu’en retour on leur répond : « tu ne sais pas t’organiser dans ton travail ». C’est le grand mot ou le gros mot qu’on emploie souvent. Et les gens finissent par douter d’eux-mêmes et c'est la spirale qui les fait tomber en effet dans l’épuisement. Ils commencent par mal dormir, avoir des journées à rallonge. Tous les gens que je vois à l’embauche, je leur demande quels sont leurs horaires. A certains, je leur dis de faire attention quand ils dépassent les horaires, qu'à un moment ils vont devoir travailler de plus en plus et au-delà de leurs limites, que cela va se répercuter sur leur sommeil et qu'ils vont tomber dans la spirale.
« Actuellement, ce n’est pas possible de faire de la prévention primaire à la Société Générale. »
J’ai fait et je continue à faire de la prévention secondaire lors de mes visites d’embauche. Comme je l’ai dit, c'est la prévention primaire qui consiste à agir, en amont, sur l’organisation. Actuellement, ce n’est pas possible de la faire à la Société Générale. Avec la prévention secondaire, je précise aux gens ce qui fait le « nid » ou le « lit » du burnout et je leur donne les clés pour ne pas tomber dedans, leur décrire les premiers signes. Je commence toujours par demander s’ils dorment bien, si ce n’est pas le cas, je leur dis de faire attention et que ce sont là les premiers clignotants. Il faut qu’ils réfléchissent à leur travail. Enfin, la prévention tertiaire c’est lorsqu’on m’alerte que quelqu’un commence à ne pas aller bien, c’est peut-être l’épuisement mais ça peut être le début de la spirale. Je peux, dans ce cas, le tirer par les pieds et lui dire « Stop ! On s’arrête une semaine pour réfléchir et qu’aucun travail ne mérite qu’on y laisse sa santé »
CGT SG : Je voudrais connaître les raisons pour lesquelles il est impossible de faire de la prévention primaire à la Société Générale. On doit rappeler ici que la prévention primaire représente l’une des principales missions, voire la plus importante, des services de santé au travail.
Médecin du travail de VDF : On ne nous laisse pas la faire. Nous avions l’Observatoire du stress ici à VDF, on nous l’a enlevé. Par conséquence, je n’ai aucune idée de ce qui en ressort. Il faut que j’aille chercher des résultats dans le bureau de ma responsable, Marie Langlade Demoyen RHCO/SSA/DIR, à la Défense, elle refuse de me les envoyer.
CGT SG : Votre responsable, Madame Marie Langlade Demoyen n’est pas médecin ?
Médecin du travail de VDF : Non, c’est quelqu’un qui a été mis à RSO, devenu SSA aujourd’hui, sur un poste pour diriger le service de santé au travail, le service social et le service mission handicap. Petite remarque, elle n’est venue ici à VDF qu’une seule fois.
CGT SG : Le fait que vous soyez sous la responsabilité de RH, est-ce qu’il n’y a pas là un danger de conflit d’intérêt pour RSO à diriger le service de la santé au travail et le risque de perte d’indépendance des médecins ? Par ailleurs, depuis peu les médecins doivent remplir leur formulaire d’évaluation où ils sont soumis aux objectifs fixés par la RH.
« …j’ai décidé de refuser de signer ces objectifs car dans mon métier ce qui me parait le plus important c’est l’éthique. »
Médecin du travail de VDF : Absolument ! Et c’est à cause de cela que j’ai décidé de refuser de signer ces objectifs car dans mon métier ce qui me parait le plus important c’est l’éthique. La Société Générale est le seul employeur qui a baissé mon salaire d’une certaine manière. Quand j’étais embauchée à la Société Générale, la personne responsable à l’époque, Mme Renard, m’avait dit « vous aurez 14 mois de salaire et tous les médecins reçoivent le même traitement » avec une prime dont le nom m’échappe car je ne l’ai plus depuis un certain temps… ah oui la part variable. Quand Madame Langlade est arrivée, dans la mesure où j’ai refusé de signer mes objectifs elle m’avait annoncé que ce serait zéro ! Et bien entendu, nous, ma collègue de VDF, moi, n’avons aucune augmentation depuis 4 ans. Cela crée une différence de traitement avec les autres médecins de l’équipe par rapport aux objectifs qui ne sont pas des objectifs de médecin du travail mais des objectifs de chefs de projet. Je considère que je ne suis pas chef de projet et je ne sais pas le faire.
« Je considère que je ne suis pas chef de projet et je ne sais pas le faire. »
CGT SG : Je voudrais faire un petit résumé pour que les salariés puissent bien comprendre comment s’organise le service de santé au travail. Vous êtes actuellement dix médecins sous la responsabilité de la RH, Mme Langlade plus, un médecin coordonnateur, Mme Scoffier.
Médecin du travail de VDF : Mme Scoffier est aussi l’interlocutrice directe entre les médecins et la Direction. Se rattache également au service de la santé au travail, une équipe d’une vingtaine d’infirmière qui dépendent d'une infirmière coordonnatrice, Madame Marie-Ange Nez, qui est, elle-même basée à la Défense et est rattachée au médecin coordonnateur.
CGT SG : Quelle est la relation entre les médecins et les infirmières ?
Médecin du travail de VDF : Cela dépend de l’infirmière coordonnatrice. Quand nous sommes arrivées en 2012, l’infirmière coordonnatrice se délaçait ici à VDF, par exemple, à l’occasion de la fixation des objectifs et de l’entretien annuel d’évaluation professionnelle des infirmières. Et comme elle ne les connait pas tant que ça, elle demandait notre avis. Maintenant, les objectifs des infirmières sont fixés par l’entreprise et pas en fonction de ce que nous, les médecins, pouvons dire. Par conséquence, dans les objectifs des infirmières, La direction privilégie les actions de santé publique par rapport aux actions de santé au travail. Nous n’avons également pas notre mot à dire par rapport aux fermetures incessantes de notre service quand nos infirmières sont convoquées aux réunions très fréquentes, aux multiples formations où nous n’avions pas non plus notre mot à dire, Yogi-Yoga etc. avec des « coachs ». Les entreprises qui font ce type de formation doivent se faire beaucoup d’argent.
CGT SG : Ces entreprises sont très à la mode, en ce moment, et on peut en trouver dans tous les genres.
Médecin du travail de VDF : Ce type de formation crée une apparence et essaie de faire croire que l’on fait beaucoup de choses pour les salariés. D’ailleurs, cela ne concerne que les Services Centraux, parce que les salariés du réseau n’y ont pas droit.
CGT SG : Ces formations et d’autres actions de communication prises ensemble nous donnent la QVT. Des Think Tank ou des groupes de lobbyistes, comme Terra Nova, ont sorti des argumentaires pour montrer que ce genre d’action accroit la productivité.
« …les salariés ne sont pas dupes et beaucoup me disent : mais qu’est ce que c’est ces trucs »
Médecin du travail de VDF : Mais les salariés ne sont pas dupes et beaucoup me disent « mais qu’est ce que c’est ces trucs » C’est d’ailleurs pour cela que notre responsable souhaite que nous participions activement. D’ailleurs, dans nos objectifs, figure notre participation à la semaine QVT, pour ne citer que cet exemple.
CGT SG : Ce genre d’objectif est-il légal ? Il n’y-t-il pas de l’ingérence dans vos priorités ? Car pendant le temps occupés à faire de la communication sur des sujets de santé publique, vous ne pouvez pas faire ce que vous jugez urgent ou nécessaire.
« … lorsque l’on fait une préconisation, elle n’est pas toujours suivie d'effet… »
Médecin du travail de VDF : Nous n'avons déjà pas beaucoup de temps pour assurer les demandes de rendez-vous initiés par les salariés ainsi que ceux que l’on souhaite revoir car ils ne vont pas bien et nous souhaitons suivre leur évolution. Et puis, lorsque l’on fait une préconisation, elle n’est pas toujours suivie d'effet, par conséquence nous devons suivre des personnes qui sont en souffrance à leur poste et qui n’ont pas eu une mutation suffisamment rapide alors que l’on a fait le nécessaire rapidement. Nous devons les suivre pour savoir où elles en sont. Ce sont des visites que nous, les médecins, avons l’obligation de faire pour nous assurer que l’état de santé des salariés ne se dégrade pas trop.
CGT SG : Concernant l’organisation du service de la santé au travail, un point a attiré mon attention, nous observons un nombre important de départs des médecins du travail qui coïncide avec l’arrivée de Mme Langlade et de sa politique de contrôle du service de la santé par la RH, avec la mise en place du médecin coordonateur. Les départs ont été remplacés par un d’autres médecins dont quelques uns viennent de PSA, tout comme le médecin coordonateur, et qui sont plus « compréhensifs » par rapport à la politique de santé de la Direction. Tout cela, je l’ai mis dans mes rapports des commissions annuelles du CE en 2014 et 2015. Je vous cite la liste des médecins qui ont quitté la Société Générale à cette période : Dr Ribes, Stoltz, Demay, Demeester. J’en ai rencontré certaines, lors de leur départ, qui m’ont fait part de…
Médecin du travail de VDF : De la même chose que moi, à savoir l’impossibilité d’exercer leur métier de médecin du travail de manière indépendante au sein de la Société Générale.
« … impossibilité d’exercer leur métier de médecin du travail de manière indépendante… »
CGT SG : Dites-nous ce qui a changé depuis 2014-2015, lors de la mise en place du médecin coordonateur, précisément ce qui a entrainé la perte de l’indépendance dans votre travail.
Médecin du travail de VDF : Lorsque vous êtes dans un service avec une dizaine de médecins et que la majorité accepte de faire des campagnes de prévention X, Y et Z. On en a 3 par an, pour parler du diabète, du sport, de la nutrition bref des problèmes de santé publique, même si l'on est une minorité à ne pas être d’accord avec ça, c’est la loi de la démocratie… on est obligé de se plier.
CGT SG : Où est l’indépendance ?
Médecin du travail de VDF : Oui, où est l’indépendance ? Quand je suis arrivée à la Société Générale, les médecins se réunissaient un fois par mois et c’était un bon rythme parce que cela permettait de mettre un certain nombre de choses en commun. Aujourd’hui c’est 2 fois par mois et pendant les 3/4 de la réunion, notre supérieure hiérarchique est présente. Lors d’une réunion, celle-ci nous a dit, à nous les médecins, « Le budget pour Préventis est dépassé ! Vous envoyez trop de gens à Préventis ! Il va falloir limiter vos accès »
« Le budget pour Préventis est dépassé ! Vous envoyez trop de gens à Préventis ! Il va falloir limiter vos accès »
CGT SG : Elle veut dire qu’il faut limiter le nombre de salariés en difficulté pour être conforme au budget ?
Médecin du travail de VDF : Oui, et je suis la seule à ouvrir ma grande bouche pour dire à Mme Langlade « Je n’entends pas ce que vous me dites. D’abord, si le budget est dépassé c’est peut-être que les conditions du travail sont difficiles et que les gens sont en souffrance à cause de ça. Donc il faut commencer par analyser ça pour chercher les causes. Ensuite, si le budget est dépassé et que vous ne pouvez plus payer, il faut alerter le CE et arrêter le dispositif le cas échéant. Mais vous nous demandez de maintenir le dispositif et vous demandez à nous les médecins, de limiter les accès ? » « Je n’envoie pas des gens voir un psychologue parce ce qu’ils ont une corne au pied, c’est parce qu’ils souffrent dans leur travail et que le dispositif existe et je ne me limiterai pas dans mes accès » La direction a beau nous dire que nous avons notre indépendance, je lui réponds « non » quand on nous demande de limiter le nombre de nos salariés envoyés vers un psychologue. Mais la demande de la direction n’avait pas été faite par écrit, ce sont juste des paroles.
CGT SG : Cela semble aberrant en matière de prévention des risques de santé au travail ! L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail).
« … Oui, c’est aberrant ! Et c’est surtout nier notre expertise médicale comme c’est souvent le cas à la Société Générale. »
Médecin du travail de VDF : Oui, c’est aberrant ! Et c’est surtout nier notre expertise médicale comme c’est souvent le cas à la Société Générale. Par exemple, lorsque l’on fait nos préconisations, il y a une certaine intrusion des dirigeants qui se permettent de dire que ce n’est pas justifié ou que l'on fait trop de préconisations.
CGT SG : Quand vous dites « des dirigeants » parlez-vous des managers de terrain n+1 ou n+2 ou des managers plus proches de la direction générale ?
Médecin du travail de VDF : Ce sont des managers de proximité mais mon expérience me dit que quand les managers se permettent de dire de telles choses c’est que cela vient de très haut.
CGT SG : Là aussi, ne pas suivre les préconisations est contraire à la loi. En travaillant sur des dossiers de salariés, je fais le même constat. Nous venons d’achever la rédaction d’une saisie des Prud’Hommes dans laquelle on retrouve, en premier lieu, des mauvaises conditions de travail et le refus des managers et RH d’appliquer les préconisations du médecin du travail.
Médecin du travail de VDF : Je sais que c’est contraire à la loi et je le dis aux salariés.
CGT SG : Je voudrais que vous nous parliez des conditions de travail des infirmières qui sont attachées au service de santé. En 2015, en tant que rapporteur de la commission, j’avais demandé que la commission soit élargie sur le périmètre des infirmières. Comme elles ne font pas de rapport présenté au CE nous n’avions que des remontées individuelles. La commission étendue aux infirmières a permis de constater des conditions de travail extrêmement difficiles : problème de surcharge, de turn-over, de formation et d’évolution, de considération dans le travail. Deux parmi elles ont fondu en larme, et la plupart parle de « climat de terreur ». Aujourd’hui, quel est votre constat ?
Médecin du travail de VDF : Lorsque nous sommes arrivées, ma collègue et moi en 2012, nous étions 2 médecins et 4 infirmières. Les infirmières avaient la charge du service de santé au travail mais aussi des urgences, en tant qu’infirmières, dans 6 bâtiments. C’était un effectif un peu juste mais suffisant. Mme Langlade avait décidé, lors de la construction des Dunes, qu’une infirmière y serait affectée. Elle avait désigné l’infirmières qui devrait y aller contre notre avis, c’était là où vous les avez vues en larme. Nous n’avions pas compris pourquoi cette infirmière a été choisie, il n’y avait pas de critères objectifs.
CGT SG : On ne vous avait pas demandé votre avis ?
Médecin du travail de VDF : Non, la direction ne nous n’avait pas demandé mais nous avions quand même donné notre avis qui n’avait pas été suivi et l’infirmière désignée n’était pas très bien car elle le vivait comme une punition. Et par conséquence, aujourd’hui il reste 3 infirmières à VDF. La situation est d’autant plus aberrante que pour gérer les congés, une infirmière intérimaire est présente dans l’entreprise 27 semaines par an. Elle n’a pas accès au logiciel, ne connait pas les salariés et, par conséquence, ne peut pas faire le travail comme une infirmière en poste. Cela a constitué une dégradation très importante des conditions de travail pour les infirmières. Les infirmières sont de plus en plus sollicitées pour faire les gestes de premiers secours ce qui c’est très bien ! Mais elles sont également sollicitées par la direction pour faire des formations Yogi-Yoga ou je ne sais plus quoi… Avec ça elles sont surbookées par tout ce qu’elles ont à faire. Quand je vois que les infirmières de la Défense, et c’est leurs droits, ont envie d’ajouter à leurs compétences, de faire une éducation sur l’allaitement et que maintenant cela fait partie des objectifs des infirmières, je trouve que nous avons beaucoup de choses à faire avant par rapport aux conditions de travail. Parler de l’allaitement dans le milieu du travail ? C’est le rôle des sages-femmes, des gynécos mais pas celui des médecins du travail.
« …Parler de l’allaitement dans le milieu du travail ? C’est le rôle des sages-femmes, des gynécos mais pas celui des médecins du travail. »
CGT SG : Lors de notre rencontre avec les infirmières, en plus des problèmes de charge, le climat de la terreur, j’avais noté le désir, pour beaucoup parmi elles, de bénéficier des formations et d’accéder à un statut de cadre. Lors de la dernière commission en juin 2018, j’avais demandé l’avis des médecins présents sur la demande d’accès au statut cadre des infirmières en insistant sur la nature complexe et la qualité de leur travail et en rappelant que ce sont des infirmières qui assurent les entretiens d’information à l’embauche des CDD et Stagiaires et autres hors CDI. J’ai été frappée par l’absence de réaction et de soutien des médecins présents. Selon Mme Scoffier, beaucoup d’infirmière ne souhaitent pas accéder au statut car ne souhaitant pas porter de lourdes responsabilités. Je vous pose à présent la même question, puisque vous et votre collègue de VDF, vous n’étiez pas présents à la commission.
Médecin du travail de VDF : J’essaie de faire aboutir des demandes exprimées par les salariés et sur VDF, les infirmières ne m’ont pas réclamé le statut de cadre. Maintenant par rapport à toutes les obligations et tout le travail qu’on leur demande, il me parait tout à fait justifié de leur accorder le statut de cadre. Sur VDF, elles sont en fin de carrière et cela n’est pas très intéressant pour elles. Par contre, je suis intervenue à plusieurs reprises pour qu’elles aient des augmentations des salaires par rapport à tout le travail qu’elles faisaient en plus et à l’augmentation de leur charge de travail, c’est ce qu’elles m’ont exprimé. Cependant vous pouvez leur poser la question car elles ne me disent peut-être pas tout, moi je n’ai eu cette demande de leur part mais je trouverais tout à fait justifié qu’elles aient le statut de cadre.
CGT SG : Effectivement cette demande est pressante chez des infirmières de la Défense qui sont, dans la moyenne, plus jeunes…
Médecin du travail de VDF : Oui, et c’est parce qu’il a eu un turn-over important chez des infirmières de la Défense.
CGT SG : Comme pour vous, le travail des infirmières est au carrefour des aspects purement médicaux et des aspects sociaux. Pour pouvoir pointer des manquements de l’entreprise, en termes de préventions de la santé au travail, les médecins peuvent compter sur leur statut de « protégé » pour s’exprimer librement et pour accomplir leur mission, qu’en est-il pour les infirmières qui n’ont pas ce statut de salariés « protégés » ?
Médecin du travail de VDF : Je crois que sans ce statut de salarié protégé, je serai licenciée depuis longtemps. Les infirmières n’ont pas le statut de salarié protégé et c’est tout le danger de la loi El Khomri. Nous sommes dans une situation contradictoire. Si on suit la loi, à l’exception des situations de dangers chimiques etc…, les visites d’embauche et périodiques sont faites par les infirmières. Si un salarié a un problème lié à la santé en rapport avec les conditions de travail, il demandera de rencontrer le médecin du travail. Si vous êtes dans ce cas, demanderiez-vous à être reçu par un médecin que vous ne connaissez pas ? Eh bien non ! Les infirmières à qui on demande de faire le travail ne peuvent pas dire des choses et cette situation représente un véritable risque pour elles, le risque d’être licenciées. Nous avions remonté ce problème à la DIRECCTE.
CGT SG : Cela confirme bien des difficultés exprimées par les infirmières, surcharge, déconsidération, pression et climat de terreur…
« … Regardez la pression au niveau des salariés ! Combien de salariés n’osent pas dire à leur supérieur hiérarchique qu’ils ne sont pas bien. Combien n’osent pas dire que leur charge de travail est trop importante. »
Médecin du travail de VDF : Regardez la pression au niveau des salariés ! Combien de salariés n’osent pas dire à leur supérieur hiérarchique qu’ils ne sont pas bien. Combien n’osent pas dire que leur charge de travail est trop importante. Par ce qu’à la Société Générale aujourd’hui c’est « Tout va bien Madame la Marquise ! » Et des gens qui osent dire des choses et être dans la critique positive pour essayer de faire évoluer des choses sont considérés comme de très vilains petits canards.
CGT SG : Nous, les représentants du personnel, nous observons le même phénomène. Les salariés n’osent pas remonter les véritables problèmes qu’ils subissent à leur hiérarchie. Souvent ces salariés viennent nous voir lorsqu’il n’est plus possible pour eux d’absorber la pression et ils sont souvent au bord de l’effondrement. Nous ne cessons pas de répéter et de conseiller aux salariés de venir le plus tôt possible, au moment où il leur reste encore assez d'énergie pour réagir correctement.
Médecin du travail de VDF : Cela est très grave ! C’est comme si un médecin cassait le thermomètre pour ne pas dire que le malade a de la fièvre. Dans les Services Centraux, les gens peuvent venir à l’heure du déjeuner, ils viennent prendre des rendez-vous. Beaucoup sont cadres et n’ont pas d'horaires fixes ou besoin de pointer mais dans des agences, nombreux sont les salariés qui viennent qu’à la fin, quand ils ne vont pas bien du tout. Souvent, lorsqu’ils commencent à accumuler le mal-être au travail, on va leur dire « Pourquoi tu veux voir le médecin du travail ? Tu vas aller pleurer chez elle ? » Par conséquence, ils n’osent pas venir voir les médecins et c’est grave.
CGT SG : J’ai appris avec beaucoup de tristesse votre démission. Nous nous connaissons de longue date, j’ai été rapporteur de la commission santé au travail de 2013-2016 puis président de la même commission depuis 2016 à aujourd’hui. Vous m’avez fait part, il y a plus d’un an, des pressions qui vous étaient faites par la direction pour vous faire partir parce que vous osiez dire certaines choses et qui font que vous êtes, avec votre collègue de VDF, des vilains petits canards. Parmi toutes ces choses, vous avez pointé des défauts d’organisation avec ces transformations incessantes et de dégradation des conditions de travail… vous et moi nous avions alerté l’inspection médicale sur la perte de votre indépendance. A l’époque, vous disiez que vous étiez en mode de résistance face à toutes ces pressions mais aujourd’hui elles sont devenues trop fortes ?
Médecin du travail de VDF : Aujourd’hui c’est difficile parce que cela fait un an que je vois le service en souffrance…
CGT SG : Par « service », vous voulez dire le service de santé au travail de VDF ?
Médecin du travail de VDF : Oui le service médical de VDF. Je vois des salariés en souffrance et je dois faire le grand-écart. Lorsque je dis que les gens souffrent à cause des conditions de travail, la direction me répond : « non, non tout va bien ». Mon n+2, aujourd’hui à la retraite, M. Climent avait osé m’écrire, un jour où j’ai fait une remarque que je veux positive, pour me dire qu’avec ma collègue, nous faisions des remarques « polémiques et stériles » Je n’ai entendu cela de la part d’aucun employeur. J’ai également dit dans le CHSCT de VDF que je n’ai jamais été aussi mal traitée en tant que médecin du travail.
CGT SG : Le médecin qui est censé protéger les salariés est aussi maltraité à la Société Générale ?
« … Oui car un médecin qui veut rester indépendant dans une entreprise où on maltraite des salariés, eh bien c’est parallèle. »
Médecin du travail de VDF : Oui car un médecin qui veut rester indépendant dans une entreprise où on maltraite des salariés, eh bien c’est parallèle. C’est pour ces raisons que j’ai pris ma décision et surtout j’ai l’impression de me battre et d’être le pot de terre contre le pot de fer et comme je le dis très souvent aux salariés aucun travail ne mérite qu’on laisse notre santé. Et cela s’applique aussi pour moi. Quand j’ai vu des signes, des clignotants, bref tout ce que je racontais aux salariés, j’ai demandé à rencontré ma RH pour lui exposer la dégradation de mon travail. Lorsque je l’ai rencontrée j’ai exposé la situation du service et expliqué les conflits avec ma responsable, Mme Langlade. La RH m’a écoutée et pris des notes, et lorsque je lui ai demandé : « Quelle solution me proposez-vous ? » Elle me répond : « Cela ne vient pas de votre responsable hiérarchique mais de beaucoup plus haut de la Société Générale ». Elle m’a dit ensuite : « Vous êtes à l’âge de la retraite, pourquoi vous ne prenez pas votre retraite ? » Je lui ai expliqué que je n’avais pas envie de prendre ma retraite pour de multiples raisons dont la principale est que j’aime mon métier de médecin du travail quand je peux l'exercer en tant que tel. La deuxième solution que la RH m’a suggérée est de donner ma démission. A mon tour, j’ai fait une contre proposition, je voudrais prendre ma retraite progressivement et passer à 50% avec un effectif en rapport. Elle m’a répondu que je n’y avais pas droit car j’ai dépassé l’âge de la retraite. Je lui ai répondu qu’elle confondait avec l’accord sénior, la retraite progressive ce n’est pas pareil ! C’est la CNAV qui paie, il suffit que l’employeur accepte le temps partiel. Elle m’a promis de me revenir sur la proposition. Ensuite, j’ai reçu de sa part 2 mails pour me demander de nouveau de prendre ma retraite et une proposition de cumuler emploi-retraite. Comme cela fait trois fois qu’elle me parle de ma retraite, je lui ai expliqué qu’un employeur ne peut pas obliger un médecin de prendre sa retraite. Je lui ai demandé de me revenir par rapport à ma proposition, ce qu’elle n’a pas fait. Il y a eu un long silence de 2 semaines. Je l'ai de nouveau relancée, toujours sans réponse. J’ai envoyé un message pour lui dire que sans réponse de sa part je considérais que ma contre proposition est rejetée. Elle a fini par me répondre pour me dire, que je n’avais pas droit à l’accord sénior ! Ce à quoi j’ai répondu que ce n’était pas l’objet de ma proposition mais la retraite progressive. Ensuite, je lui ai rappelé qu’on m’avait proposé une rupture conventionnelle ; ce qu’elle a nié.
CGT SG : A quel moment vous a-t-on proposé une rupture conventionnelle ?
« … Elle a insisté et j’ai dû lui demander de relire le code du travail. »
Médecin du travail de VDF : En novembre 2016, j’ai été reçue par Mme Langlade, ma responsable, après un « clash ». Au cours d’une réunion où il y avait 4 sujets irritants, la réorganisation du service et des travaux d’aménagement, l’histoire du psychologue et 2 autres dont je ne me souviens plus… J’avais fait 4 propositions dont aucune n’avait été retenue. J’ai haussé un peu le ton, tout en étant tout à fait correcte. J’ai été ensuite convoquée par Mme Langlade en présence de la RH, où elle m’a dit qu’il y avait eu un clash et que je devais m’aligner sur la « Politique de santé du groupe ou prendre mes dispositions ». Je lui ai demandé d’être plus claire dans ces propos car je ne comprenais pas ce qu’elle me disait. N'étant pas un cadre de la Société Générale je n’avais pas à appliquer une politique de santé de la Société Générale. Elle a insisté et j’ai dû lui demander de relire le code du travail. A la fin de la discussion, elle m’a de nouveau répété que je devais prendre mes dispositions et je lui ai demandé d’être plus claire. Et là, elle me répond qu’elle me propose une rupture conventionnelle qui sera niée par la suite car tout cela a été dit oralement et rien par écrit bien entendu.
CGT SG : La deuxième raison de ma tristesse est que votre collègue de VDF, est aussi sur le départ et pour les mêmes raisons que vous. Elle a précisé dans son rapport annuel de 2017 qu’il est très difficile voire impossible de continuer d’exercer son métier de médecin du travail en toute indépendance.
Médecin du travail de VDF : Elle aurait aimé être présente aujourd’hui mais elle avait été appelée dans une DEC pour régler les derniers problèmes avant de partir, son départ est prévu le 1er juillet. Elle m’a dit qu’elle et moi nous partagions les mêmes visions de la situation du service de santé au travail de la Société Générale et que je la représente dans notre discussion.
CGT SG : J’ai une dernière question, celle qui nous intéresse depuis le début et qui est le sens même de notre discussion aujourd’hui : Compte tenu de l’état actuel du service de santé au travail de la Société Générale, quels conseils donner aux salariés pour qu’ils puissent préserver leur santé ?
Médecin du travail de VDF : « Se protéger » C’est ce que j’ai dit et c’est ce que je continue de dire. Faire attention aux signaux d’alerte, remonter à leur hiérarchie les surcharges de travail même si l'on sait que quelques fois, les remontées peuvent être bloquées à certains niveaux.
CGT SG : Contrairement à vous pour qui les blocages viennent de « très haut »
Médecin du travail de VDF : Oui, dans nos objectifs il y a celui de suivre la politique de santé du Groupe. J’ignore ce que c’est.
CGT SG : D’animer des ateliers de QVT, communiquer sur les problèmes de santé publique ?
« … Là je vais être très sévère : Suivre la politique de santé du Groupe c’est être dans l’apparence. »
Médecin du travail de VDF : Là je vais être très sévère : Suivre la politique de santé du Groupe c’est être dans l’apparence. Et je ne peux pas la suivre, c’est pour cela que je donne ma démission. Je ne peux plus continuer à travailler dans une entreprise, je vais être dure, qui est de mauvaise foi. Cependant j’ai pu travailler avec des gens remarquables et je n’oublierai pas mes 6 années passées à la Société Générale où j’ai fait de belles rencontres. Mais je ne peux plus trouver ma place dans une entreprise qui n'est que dans l’apparence, car le métier de médecin du travail, tel que je le vois et choisi, c’est être dans le vrai. Quand j’ai des gens en face qui sont mal, vous ne pouvez qu’être dans le vrai sinon on ne les aide pas. Si on leur dit, « Non, tout va bien » on ne peut pas les aider, au contraire, on leur fait encore plus mal. Quelques fois, je vois des gens qui ont plein de questions qui les turlupinent par rapport à leurs conditions de travail. En les écoutant la première fois, on les entend presque se reprocher des choses, se dire qu’ils sont fragiles, qu’ils sont faibles, qu’ils sont nuls. Je les rassure en leur disant que s’ils pensent cela c’est qu’ils ont été abimés. Je demande ensuite de les revoir, et quelques fois, j’ai eu la satisfaction de voir, je vais encore être émue en disant cela car ça me touche, qu’ils vont mieux et cela se voit quand on est médecin, et qu’ils me disent « Vous ne pouvez pas savoir le bien que cela m’a fait de pouvoir m'exprimer et d’avoir quelqu’un qui est dans l’entreprise et qui peut me dire que ce n’est pas moi qui ai tort » Pour moi, c’était formidable, en toute humilité, d’avoir réussi à mettre mon petit caillou pour leur faire prendre connaissance qu’ils devaient se protéger et que s’ils ne vont pas bien c’est à cause de leurs conditions de travail. Et cela, vous, les représentants du personnels, vous en voyez également j’imagine.
CGT SG : Oui, c’est ce que j’appelle la double peine que l’entreprise applique sur les salariés, Dans un premier temps, l’organisation détruit le corps et l’esprit des salariés puis elle fait en sorte pour qu’ils pensent qu’ils sont responsables de leur propre souffrance.
« … T’as qu’à boire un peu, ça te soulagera !»
Médecin du travail de VDF : On m’a rapporté que suite à un arrêt de longue durée, un salarié du réseau a entendu, de la part d’un de ses managers « Je pensais que tu craquerais avant » et d’un autre manager « T’as qu’à boire un peu, ça te soulagera ! » vous vous rendez compte ?
CGT SG : C’est extrêmement violent !
Médecin du travail de VDF : j’ai vu de très bons managers qui ont beaucoup de pression et qui savent ne pas la faire redescendre, je leur tire mon chapeau. Mais j’en ai vu aussi de très toxiques, et ceux-là, au lieu de les sanctionner, on leur donne une promotion ou on les déplace et ils reproduisent la même chose ailleurs. Parfois c’est un salarié qui est sur le point de faire un burnout, et qui a été retiré de son poste sur notre demande, et on met quelqu’un d’autre à sa place qui se retrouve ensuite dans la même situation que le premier. C’est aussi là que je dis qu’il n’y pas de prévention primaire.
« … C’est aussi là que je dis qu’il n’y pas de prévention primaire. »
CGT SG : Parlons de votre avenir.
Médecin du travail de VDF : J’aime mon métier et on recherche des médecins du travail partout, j’essaierai de trouver une entreprise où je puisse exercer véritablement mon travail, mais à mi-temps car je commence à être vieille.
CGT SG : Merci pour le travail que vous avez fait à la Société Générale, on est impatient de connaitre la suite de votre carrière.