vraiment les femmes, comme le martèle le gouvernement ?
Les majorations liées à la maternité devraient être modifiées dans le système de retraite voulu par le gouvernement. (MAXPPP)
C'est un des arguments phares de l'exécutif pour justifier le système à points qu'il veut mettre en place à partir de 2025.
Davantage de justice, notamment pour les femmes. Tel est le message qu'entend faire passer le gouvernement à propos de la réforme des retraites. "Le système universel nous offre la possibilité de réinventer tous les dispositifs de solidarité et de les rendre plus justes et plus efficients pour réduire l'écart des pensions entre les précaires et les personnes plus aisées, entre les hommes et les femmes", proclame le rapport Delevoye. Qu'en est-il vraiment ? En attendant les précisions du Premier ministre Edouard Philippe, mercredi 11 décembre, passage en revue de ce qui semble prévu pour l'instant.
Les majorations liées à la maternité
Aujourd'hui. La naissance ou l'adoption d'un enfant donne une majoration de huit trimestres d'assurance-vieillesse. Avant 2010, cette majoration était "automatiquement accordée à la mère", explique le site service-public. Depuis 2010, quatre trimestres sont attribués à la mère "en contrepartie de l'incidence de la maternité sur sa vie professionnelle". Les quatre autres sont "répartis librement entre les parents" (mais le plus souvent attribués à la mère).En bonus, les mères et les pères de trois enfants voient leur pension majorée de 10% (chaque parent bénéficie de cette mesure).
Après la réforme. "Une majoration identique de 5% par enfant, dès le premier enfant (...), sera instaurée. L'attribution à l'un ou l'autre des parents sera librement décidée par le couple", prévoit le rapport rendu cet été par le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye. "Aux 4 ans de la naissance ou de l'adoption de l'enfant, les parents pourront choisir celui à qui cette majoration sera attribuée, ou décider de la partager. Si aucune option n'est effectuée par les parents, ces droits seront automatiquement attribués à la mère."
Ce que ça change. Tel que vendu dans le rapport Delevoye, les familles sont gagnantes au premier enfant, avec 5% de majoration. Pas si simple, réplique l'Institut de la protection sociale (IPS) dans une analyse publiée fin novembre (Femmes, parents, cadres supérieurs, grand-père, le futur système des retraites sera-t-il réellement plus simple et plus juste pour tous ?). Car la plupart des femmes devront dire adieu aux huit trimestres par enfant qui leur permettent de partir plus tôt à la retraite à taux plein, assène ce cercle de réflexion proche des PME. En cause, l'âge d'équilibre, fixé à 64 ans en 2025 dans le rapport Delevoye, avec une décote de 5% pour chaque année de retraite prise avant cet âge.
"Or 79% des femmes demandent leur retraite avant 64 ans. Avec la réforme telle qu'elle est prévue dans le rapport Delevoye, la plupart des femmes sont perdantes.à franceinfo
"Est-ce que la promesse Delevoye – une femme obtient 5% de plus par enfant – est tenue ? Non, développe Bruno Chrétien. Si des mères de famille décident de partir avant l'âge de 64 ans, par exemple à 62 ans, elles se retrouvent avec une décote de 10%, ce qui annule le gain de 10% promis avec deux enfants." Quant aux familles de trois enfants, elles sont systématiquement perdantes dans ce nouveau système puisqu'elles passent de 20% de majoration (10% pour le père, 10% pour la mère) à 15% (5% multipliés par trois).
Les règles sur les pensions de réversion
Aujourd'hui. Les femmes sont bénéficiaires de ce dispositif neuf fois sur dix. Dans le régime de base du privé, si leur mari décède, elles peuvent toucher une pension à partir de l'âge de 55 ans, sous condition de ressources (moins de 20 000 euros brut par an, selon le site service public). Dans le régime complémentaire Agirc-Arrco, une veuve peut bénéficier, à partir de 55 ans, d'une pension de réversion égale à 60% de la retraite complémentaire du salarié ou retraité décédé. Voilà pour le cas général, mais il existe une douzaine de profils différents qui rendent hétérogènes les conditions de versement.
Après la réforme. "En matière de réversion, les règles différentes qui existent aujourd'hui (...) doivent être harmonisées (...). Il est proposé de maintenir le niveau de vie des personnes qui perdent leur conjoint, en leur garantissant que leur retraite ne soit pas inférieure à 70% de la somme des retraites que le couple percevait avant le décès", écrit le haut-commissaire aux retraites.
Ce que ça change. "Le mécanisme unique créé dans le système universel (...) garantira un niveau de vie constant pour la personne veuve. Seule, elle conservera 70% des droits à retraite dont bénéficie le couple (soit la somme des deux retraites). Aucune condition de ressources ne sera imposée", se félicite l'Institut de la protection sociale. Mais avec une critique de taille : "La promesse Delevoye, récapitule Bruno Chrétien, c'est de permettre à la veuve – ou au veuf – de garder 70% des revenus du couple sans condition de ressources, grâce à la pension de réversion. C'est bien, mais c'est limité par une contrepartie incroyable" : l'âge auquel pourra être versée la pension de réversion.
L'âge de réversion passe de 55 à 62 ans dans le nouveau régime. L'Etat gagne sept ans !à franceinfo
Conséquence : "Avec cette absence de pension de réversion, l'Etat va paupériser des femmes",notamment dans la tranche d'âge qui va de 55 à 62 ans.
Le futur minimum retraite
Aujourd'hui. Il existe le minimum contributif, qui permet d'améliorer les toutes petites pensions (à ne pas confondre avec l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui s'élèvera à 903 euros au 1er janvier 2020). Ce minimum est destiné aux salariés qui ont eu une carrière complète mais ont cotisé sur de faibles montants de rémunération. L'assuré peut bénéficier de ce minimum contributif soit s'il a le nombre de trimestres requis pour sa retraite à taux plein, soit s'il a l'âge du taux plein automatique (fixé à 67 ans pour les générations nées à partir de 1955). Aujourd'hui, plus de 4,8 millions de retraités touchent le minimum contributif, fixé à 980 euros par mois, explique France 2.
Après la réforme. "Le système universel intégrera un dispositif unique de minimum de retraite ouvert à tous les assurés. Il leur garantira un niveau de retraite égal à 85% du smic net pour la réalisation d'une carrière complète, même effectuée à revenus modestes. Il profitera aux personnes ayant connu des périodes d'activité à temps partiel, situation qui touche particulièrement les femmes (...)", détaille le rapport Delevoye.
Ce qui change. Selon le haut-commissaire aux retraites, ce dispositif permettra à tous les bas salaires, où les femmes sont surreprésentées, de partir à 64 ans plutôt qu'à 67 aujourd'hui, à condition d'avoir suffisamment cotisé (43 ans, par exemple, pour la génération 1973). Aujourd'hui, 19% des femmes doivent attendre 67 ans pour partir à la retraite. "Conformément aux annonces du président de la République, les minima de retraite seront relevés de façon à garantir 1 000 euros net par mois pour les assurés ayant effectué une carrière complète, promet Jean-Paul Delevoye. Si la carrière complète n'est pas atteinte, le montant de la garantie sera proratisé." Contactée par franceinfo, l'économiste Claire El Moudden estime que cette disposition servira les femmes :
Revaloriser les petites retraites, cela favorise les femmes et cela offre un peu plus de solidarité pour les moins favorisés du système.à franceinfo
Mais elle rappelle aussi que "dans un régime à points pur, la retraite est le reflet parfait de la carrière de l'assuré. Il sera donc plus favorable aux hommes, dans la mesure où leur salaire est supérieur. D'où l'importance de la solidarité nationale pour compenser" ces écarts. Pour la maîtresse de conférences à l'université de Caen, il faudra voir si la "déclaration d'intention d'un système plus juste est tenue. Pour l'instant, on est dans le flou."