Suite aux nombreuses publications sur la possible lecture des SMS par les employeurs, par exemple
Les patrons peuvent désormais lire tous les SMS échangés sur les portables professionnels
Selon un arrêt de la Cour de Cassation, l'ensemble des messages envoyés via les portables fournis par l'entreprise sont "présumés avoir un caractère professionnel". Ceux-ci pourront les consulter "pour des motifs légitimes".
C'est une décision dont la jurisprudence va changer la donne pour de nombreux salariés. Dans un arrêt rendu mardi 10 février , la Cour de Cassation qui statuait sur un litige opposant les sociétés de courtage financier Newedge - filiale de la Société Générale - et GFI Securities, a considéré que "les messages écrits ("short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels ".
En clair, si les salariés ne portent pas la mention écrite "personnel" ou "perso" en début de SMS, leur employeur aura un droit de regard sur ceux-ci. Tous ces messages, considérés donc comme à caractère professionnel, peuvent ainsi être consultés et même produits devant la justice "pour des motifs légitimes" - insultes, soupçons de fraude ou violation de clause de confidentialité -, ajoute la haute juridiction qui considère que cela ne contrevient nullement au principe de secret des affaires et de secret professionnel.
Décision semblable sur les mails
"L'utilisation de tels messages par l'employeur ne peut être assimilée à l'enregistrement d'une communication téléphonique privée effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués", tranche ainsi la Cour de Cassation. Une décision semblable à celle qui a été prise il y a deux ans par la haute juridiction sur les emails à caractère privé envoyés via la messagerie professionnelle.
Newedge, elle, est sortie triomphante dans son affaire l'opposant au broker américain GFI Securities. La filiale de la Société Générale avait produit comme preuves des SMS échangés entre ses salariés montrant qu'ils avaient été débauchés par son concurrent. Des preuves irrecevables, avançait la défense de GFI Securities. La Cour de Cassation en a décidé autrement.
Voici un commentaire de Roger
Je ne me risqurai pas ici à commenter, approuver ou critiquer ce qui a été dit concernant Newedge et GFI du point de vue de leur litige, ça n'est pas le lieu, mais on se concentrera sur ce que beaucoup ont voulu faire dire à l'arrêt quant aux rapports salariés/employeurs à propos des outils informatiques de l'entreprise.
D'abord il ne s'agit pas d'un arrêt rendu en matière sociale mais en matière commerciale. Qu'une société du groupe y soit impliquée nous le rend certes plus sensible mais ça ne change rien à l'affaire, la cour de cassation a tranché un litige sur les moyens de preuve entre deux sociétés quant aux pratiques de l'une vis à vis de l'autre.
En plus, ce que la cour de cassation avait à déterminer c'était de savoir si Newedge pouvait légitimement demander à un juge l'autorisation de consulter les SMS en question. Cette autorisation judiciaire préalable (à souligner), c'est déjà une nuance de poids entre la décision rendue et les commentaires auxquels elle a donné lieu.
Que beaucoup, journaux, radio et TV s'en soient emparés pour en conclure que, vis à vis de ses salariés, le patron a à peu près tous les droits c'est à la fois dans l'air du temps et une constante de la confrontation entre intérêts opposés, la justice n'en étant qu'un révélateur et nullement une source divine de régulation de ceux-ci, et les médias des hérauts ou des épigones de l'un ou de l'autre des dits intérêts.
Il faut lire l'arrêt et se méfier des commentaires, autant que des commentateurs. D'abord la cour de cassation, qui n'en est pas à son premier arrêt sur l'utilisation personnelle des moyens informatiques appartenant à l'entreprise, considère ceux-ci comme étant, a priori, d'usage professionnel et donc que l'employeur doit tout autant y avoir accès que s'il s'agissait de saucissons ou d'une feuille de classeur. Elle apporte toutefois dans sa décision une nuance de taille, une limite, c'est la légitimité de la curiosité patronale, et c'est là que la nature du litige a toute son importance.
D'autre part elle fournit en quelque sorte une parade en autorisant et protégeant un usage personnel des dits moyens informatiques dès lors que les messages (ici les SMS) sont identifiés comme personnels. En bref, a-t-il été conclu par des professionnels du droit, s'ils commencent par "Personnel" ou "Perso" ils ne sont pas consultables. Il serait prudent de ne pas croire ça comme une garantie absolue, au nom justement de la légitimité invoquée, toutefois ce serait à l'employeur de demander à un juge, et donc de faire la preuve de son bon droit, l'autorisation de consulter cette catégorie de SMS.
Notons, pour ce qui nous concerne, que depuis 2002 existe dans l'entreprise une charte informatique qui pourrait s'étendre chez nous aux SMS commençant par [prv].
Reste maintenant la question de l'illusion que l'attribution de moyens de travail, et l'autorisation plus ou moins explicite d'un usage personnel, peut engendrer quant à l'estompe des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle. L'arrêt de cassation replace, juridiquement, les choses dans l'ordre : les rapports dans le travail sont d'abord de subordination et l'employeur ne vous embauche que pour son usage personnel, le droit consacrant cette hiérarchie et visant à la pérenniser.