Les grandes banques françaises ont toutes décidé de relever le plafond des bonus.Elles doivent obtenir l'aval de leur actionnaires.
Les actionnaires des banques françaises découvrent ce printemps la nouvelle arme dont ils disposent pour limiter le bonus des « preneurs de risques » au sein des établissements. La directive européenne dite « CRD4 », voté en juin 2013, stipule en effet que la rémunération variable de ces banquiers ne peut plus excéder le montant de leur rémunération fixe. Toutefois, elle permet aux établissements de la porter au maximum au double de la rémunération fixe (règle dite du « 2 pour 1 »), à condition que les actionnaires donnent leur feu vert.
BNP Paribas a expérimenté la première ce nouveau dispositif, lors de son assemblée générale annuelle, mercredi 14 mai. La banque a demandé à ses actionnaires l'autorisation de verser un bonus pouvant atteindre 200 % de la rémunération fixe à sa « population régulée », à savoir les dirigeants du groupe, les responsables des activités de marché, les traders ou les salariés exerçant une fonction de contrôle.
Les actionnaires ont finalement approuvé à 81,5 % cette résolution. Soit un score très inférieur à celui réuni autour de l'augmentation de la rémunération du directeur général de la banque, Jean-Laurent Bonnafé, approuvée à 96,54 %. Le président de BNP Paribas, Baudouin Prot, avait pourtant défendu la règle du « 2 pour 1 » avec vigueur, la qualifiant de « particulièrement importante » pour le groupe. Faisant valoir que « les banques américaines et asiatiques ne seront pas soumises aux même règles d'encadrement des rémunérations », il avait mis en avant la possibilité, grâce au relèvement du plafond des bonus, « de recruter et de retenir les meilleurs collaborateurs visés par cette mesure ».
Qui sont exactement ces collaborateurs ? Il s'agit, chez BNP Paribas, d'une population de 357 « preneurs de risques », dont la rémunération fixe cumulée s'est élevée à 107 millions d'euros, pour une rémunération variable de 240 millions attribuée au titre de 2013. Selon la nouvelle règle européenne, à revenus fixes identiques, ces responsables devraient donc voir, en théorie, leurs variables attribuées au titre de 2014 reculer en masse globale d'environ 10 %.
Nombre restreint de bénéficiaires
Pour éviter un tel recul, toutes les grandes banques françaises ont décidé de faire voter le « 2 pour 1 ». C'est pour les banques le meilleur moyen de ne pas augmenter les rémunérations fixes, « ce qui renchérirait leur base de coûts, altérerait les résultats et, in fine, le versement de dividendes aux actionnaires », indique un banquier. Les banques françaises ont d'autant moins d'état d'âme à recourir au relèvement du plafond qu'elles ont fortement réduit la base de leur population strictement réglementée (par neuf pour BNP Paribas, huit pour Société Générale, quatre pour Natixis et trois pour le Crédit Agricole) : le nombre de bénéficiaires, plus restreint, s'aligne ainsi sur celui des banques européennes.
Enfin, les salaires restent inférieurs à ceux des banques britanniques et, surtout, la politique de versement des bonus est globalement en ligne avec les résultats, à la grande différence des banques britanniques. La City a d'ailleurs connu ces derniers temps un vent de fronde : le gouvernement britannique a bloqué le projet de RBS d'augmenter le plafond des bonus. Chez Barclays, près d'un quart des actionnaires a voté contre les rémunérations des dirigeants versées au titre de l'an dernier, et ils étaient plus de 40 % à s'y opposer chez Standard Chartered.
Les assemblées générales de Natixis et de Société Générale se tiendront le 20 mai, celle de Crédit Agricole SA, le 21 mai.