LE LAMINEUR ET LE MEGALO
L’entrée en force de BNP Paribas dans le capital du Crédit Lyonnais a-t-il réveillé les ardeurs avortées du projet SBP défunt en 99 ? C’est là toute la question, au-delà de la méthode cavalière employée par le gouvernement. Le contribuable notera au passage que le sauvetage du Crédit Lyonnais a coûté 11 milliards d’euros, ce qui relativise les satisfecits d’aujourd’hui. Interrogé, le lamineur de Bercy parle en orfèvre : quant à une éventuelle fusion bancaire, " elle s’accompagnera des modalités sociales adéquates, comme dans n’importe quelle industrie ". Venu de la sidérurgie, Francis Mer sera-t-il le ministre qui réalisera la prédiction d’Alain Minc : " la banque sera la sidérurgie de demain " ? C’est que notre profession occupe 400.000 salariés dans le pays qui risquent le passage au laminoir… De son côté, le président mégalo de BNP Paribas a vite tombé le masque. Interviewé lundi, Pébereau parlait de ne rien modifier dans le contrôle du Crédit Lyonnais. Mais il est très vite apparu que les propos rassurants sur la qualité des relations, le dialogue étroit, et les coopérations ne pèseraient pas lourd devant le fort potentiel de création de valeur. Devant le comité central d’entreprise, Pébereau a été parfaitement clair, son objectif est de devenir le patron de la méga banque qu’il a ratée avec la Société Générale et qu’il espère faire avec le Crédit Lyonnais… avec la même promesse de conserver les deux marques et les deux réseaux … cette promesse à laquelle personne n’avait cru chez nous avec raison. Ce bel enthousiasme maison en BNP, toujours prêt à serrer une autre banque dans ses bras, n’a connu qu’un couac, lorsque le vilain canard représentant de la CGT s’est fait traiter par Pébereau de " porte-parole de l’extérieur "… Côté Crédit Lyonnais, l’enthousiasme est nettement moins perceptible et, d’une certaine manière, nous pouvons nous féliciter que depuis notre lutte contre le projet de Pébereau en 99, son projet de 2002 sera lui aussi soumis à la jurisprudence Trichet établie alors : pas d’OPA hostile dans les banques… Il faudra donc présenter au CECEI en janvier " une solution industrielle claire et concertée ", ce qui permet aux syndicats du Crédit Lyonnais, unanimes, de se battre pour conserver l’indépendance de leur banque. Ce serait aussi notre propre intérêt afin de garantir l’emploi des salariés de toute la profession et le choix de la clientèle, plutôt que de s’engouffrer dans la bagarre comme semble vouloir le faire notre propre direction avec les mêmes promesses que Pébereau, respect des cultures et maintien des deux réseaux ! Ces fusions n’ont aucune autre justification économique que ce que les marchés ont baptisé pudiquement " création de valeur " pour nommer leur appétit insatiable de profits. Qu’adviendrait-il d’une industrie méga concentrée susceptible de constituer un état dans l’état, quelles seraient les conséquences sociales de cette concentration sur l’économie du pays ? Tout occupé qu’il est à compter ses sous pour boucler son budget, le lamineur de Bercy a dit qu’il s’en lavait les mains et qu’il faisait confiance aux banques pour continuer à bien se porter ! On a vu ce que cela avait donné au Crédit Lyonnais !
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