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 Banques : l’Europe ne doit « pas être le dindon de la farce »  selon Frédéric Oudéa  

 Après le Brexit, la Grande-Bretagne pourrait, comme le font depuis 2014 les Etats-Unis, imposer des restrictions aux plus grandes banques étrangères. Un chemin que l'Europe est déjà en train de prendre, salue le président de la Fédération bancaire française (FBF).

Après le Brexit, la Grande-Bretagne pourrait, comme le font depuis 2014 les Etats-Unis, imposer des restrictions aux plus grandes banques étrangères. Un chemin que l'Europe est déjà en train de prendre, salue le président de la Fédération bancaire française (FBF).

Tenter de faire d'une menace une opportunité. A potentiellement un mois du Brexit, le secteur bancaire « continental » craint les conséquences économiques d'un tel bouleversement. Mais il ne voit pas que des inconvénients à ce que la Grande-Bretagne redevienne une île : cela pourrait être l'occasion pour l'Union européenne d'adopter une vision plus « stratégique » dans la défense de son sec-teur financier, veut croire Frédéric Oudéa, directeur général de Société Générale et président de la Fédération bancaire française (FBF) dans un entretien aux « Echos ».

L'Europe face à « deux superpuissances » Derrière le Brexit, « se pose la question de la fragmentation, chacun des pays voulant imposer ses propres règles », souligne-t-il. Précisément, le point d'interrogation des années à venir est de savoir à quel point le Royaume-Uni, une fois sorti de l'Union européenne, pourrait bâtir ses lignes de défense, à la fois pour sécuriser sa propre stabilité financière, mais aussi - incidemment - pour protéger son propre marché intérieur. C'est ce que les banquiers appellent le « ring fencing » (littéralement, « clôturage »). Et à les entendre, le monde se couvre actuellement de clôtures.

« Aujourd'hui, le régulateur américain impose des règles de liquidité et de capitaux aux filiales de banques étrangères. On peut imaginer que le Royaume-Uni aille lui aussi dans cette direction. L'Europe pourrait aussi adopter cette même logique », souligne Frédéric Oudéa. Son voeu est en partie exaucé : le nouveau paquet bancaire européen (adopté en avril dernier) réserve un traitement particulier aux banques de pays tiers, disposant d'au moins deux filiales dans l'Union, y pesant au moins 40 milliards d'euros d'actifs. Il s'agirait pour elle d'établir un holding intermédiaire avec ses propres exigences. Reste à voir à quel point ce système - qui se veut le pendant du dispositif américain de 2014 - sera « mordant » : des exemptions et des périodes de transition sont d'ores et déjà prévues.

Ce dispositif est en soi un signal, dans un monde traversé de tensions commerciales. « Il ne faut pas être le dindon de la farce. L'Europe fait face à deux superpuissances qui ne cessent de défendre leurs intérêts et d'imposer leurs standards », martèle Frédéric Oudéa, qui en appelle aussi au pragmatisme dans la transposition des nouvelles règles internationales de Bâle III, qui imposent des fonds propres supplémentaires aux banques. « Il y a un accord-cadre qui est signé, mais avant de le transposer, peut-on se donner le temps d'en regarder les conséquences concrètes ? Il faudrait voir si les Etats-Unis veulent vraiment l'appliquer et si, chez nous, nous ne pourrions pas y mettre plus de granularité », suggère-t-il. — E. L.

E. L