SOYEZ CAPITALISTES !
… investissez dans le capital humain !
C’est ce qu’a proposé la CGT à la direction de BDDF qui est venue le 14 décembre devant les organisations syndicales présenter la stratégie du réseau à horizon 2020. La réunion avait lieu quelques jours après les rencontres des directeurs à Deauville. Le passage de l’organisation actuelle, basée sur 92 Dec polyvalentes vers une nouvelle organisation en 60 entités clientèles Pri/Pro et environ 30 centres d’affaires (Cli com) va générer une nouvelle vague de suppression de postes, mais au-delà, va impacter l’ensemble des conditions de travail des salariés concernés. Les prochaines réunions vont devoir traiter des suppressions de postes, mais aussi de la mobilité, de la rémunération, de la reconnaissance salariale, de l’évolution professionnelle, etc.
Stratégie de BDDF et ses conséquences sur son organisation. cf pj
Raoul Labbé de la Genardière accompagnait l’incontournable Pascal Mère à la présentation de la stratégie de BDDF. Stéphane Dubois, DRH du réseau et André Guy Turoche faisaient aussi partie de la délégation patronale. Le directeur des relations sociales, Jean François Climent, aura saisi l’occasion de cette réunion pour faire son coming out, en annonçant son départ et son remplacement par Youssef Bouni (DRH en poste depuis 2012 chez Technip).
Avant d’entrer dans le cœur de la discussion, nous n’avons pas échappé à une «remise en perspectives» par Pascal Mère :
« Les 3 convictions de la direction (l’alliance expertise humaine et digitale, relais de croissance pour compenser l'érosion de la rentabilité, nécessité de poursuite d'abaissement des coûts) ont été anticipées dès 2015. La stratégie ne se modifie pas, elle s'approfondit. Nous devons aller plus loin, maintenant, car les évolutions technologiques vont vite, les attentes de la clientèle sont grandes, les gafa, le big data, etc …. Il ne faut pas se faire marginaliser, d'autant que le secteur va se restructurer.
Nous sommes porteurs d’un projet de développement, il répond au besoin d'expertise et de réactivité. Nous allons donc pouvoir faire du développement commercial. »
Il est ensuite revenu sur une présentation succincte des "livraisons", peu orientées collaborateurs jusqu’à présent et priorisées vers applicatifs clients. « L’arrivée du 360 ° répondrait à la demande générale et permettrait enfin d’obtenir la vision du client sous tous les angles (historique des interactions quel que soit le canal, opportunités commerciales, risque, conformité, etc). L’outil a été défini par des collaborateurs qui ont fait le cahier des charges. Les processus numérisés vont générer des gains de temps…. Et d'allègement de charge pour les collaborateurs.»
Gains de temps qui vont générer des économies de postes.
A la Cfdt qui intervenait sur les suppressions de postes et le manque de perspectives de création de nouveaux métiers, Stéphane Dubois et Jean François Climent ont répondu de concert qu’il ne fallait pas désespérer.
Pour Stéphane Dubois : « il y aura nécessairement des nouveaux métiers …. Gestion de projet, big data» et « on sait faire évoluer les salariés, les derniers projets (CRC et CDS l’ont prouvé)».
Pour JF Climent : « on reste dans la cohérence de ce que nous avons proposé jusqu’à présent comme anticipation. Il y aura peut être des accélérations. Mais la seule chose qu'on ne maitrise pas, c'est le délai. »
Concernant la livraison des améliorations des outils, la CGT a fait remarquer que le choix de prioriser les clients n’était pas aussi anodin que ça et qu’il pouvait aussi correspondre à la volonté de n’avoir, à la cible, qu’un « outil » à la main du client, pour qui le salarié ne serait plus qu’un accompagnateur. Pascal Mère a confirmé que cette hypothèse avait été sur la table, mais rapidement abandonnée car elle nécessitait des travaux et des budgets pharaoniques. BDDF a alors décidé d’être plus ergonomique en utilisant le système existant de core banking.
La CGT a aussi souligné que la direction a largement anticipé les gains de productivité et que cela pose des problèmes en termes de qualité de services et de conditions de travail. Il y a même un risque réel de rupture. Nous avons donc demandé qu’un bilan des chantiers en cours soit effectué avant de passer à la « phase 2 de l'anticipation ».
La direction a retenu cette demande et un point de suivi sur le « modèle relationnel » va être programmé. Ce sera l’occasion d’examiner l’état dans lequel se trouvent les équipes après la première vague des projets présentés par Laurent Goutard en 2015.
Raoul LdLG, responsable du projet, a ensuite décliné les changements envisagés et les conséquences sur l’organisation. Alors qu’ «Orange va tenter de faire croire que la banque est gratuite, nous envisageons un projet de développement».
Les ambitions à horizon 2020 sont très élevées. C’est d’ailleurs ce qui nous inquiète, car si ces ambitions en termes de PNB ne sont pas au rendez vous, il ne restera guère que les frais généraux (nos emplois) pour atteindre la promesse faite à l’investor day…
80 % de nos processus automatisés, ça veut dire quoi ?
Pour Raoul LdlG, « On veut que les dossiers soient accessibles à tous, en instantané et partout. Ca permet d'absorber la charge créée par la conformité, le réglementaire, etc. »
«On transfert sur nos clients la charge de la banque au quotidien. En selfcare, ils pourront le faire directement. On sera plus disponibles commercialement. »
Nous voulons offrir du service digital et de l'expertise humaine.
La direction veut sortir de la logique de DEC polyvalentes. Elles laisseraient place à une trentaine de centre d'affaires et une soixantaine d'unités pri/pro.
L’Agence multi-site (un directeur qui galope entre plusieurs agences) est déjà testé dans le monde rural… Raoul LdlG voudrait l'étendre au monde urbain, tout en précisant que l’objectif reste de ne pas abandonner le territoire.
Enfin, l’accélération du maillage agences (on passe de 1700 à 1200 agences + 500 agences multisites), la fusion de DEC (objectif une soixantaine) et des UC (on passerait de 340 à 250, voire d’après nous plutôt 150..), la filiérisation des fonctions supports (sans changement géographique… dans un premier temps) et la disparition du métier de DCPP, font que le projet de développement commence par une diminution de 900 postes supplémentaires.
Pour Stéphane Dubois : « On est capables de gérer les 900 suppressions de postes et de monter en qualité sur les postes qui resteront. On recompose nos métiers. Ils changent … en contenu, mais on va même certainement changer leur nom. On va vers une nouvelle définition des rôles … d’ailleurs, on ne veut plus un parcours monolithique. On veut que les gens choisissent et travaillent sur un parcours. »
Concernant les enjeux RH, il ajoute : « sur les organisations, on doit travailler ensemble. Au-delà des suppressions de postes, il y a beaucoup de questions (contenu du job, mobilité, etc).».
D’après lui, la partie CRC a plutôt bien fonctionné. 80% des salariés veulent y rester car on a responsabilisé les parcours.
Sur la disparition des DCPP, Raoul LdlG a précisé que les limites de décisions vont être revues et ça va alléger les niveaux décisionnels, avec un renforcement probable pour les RCL. Concernant la partie animation, il reviendra au centre de profit pro…. ».
Stéphane Dubois : « ça va augmenter les niveaux de responsabilités des différentes fonctions. »
Et le directeur des relations sociales qui enfonce le clou : «on va travailler sur l'individualisation des parcours professionnels, vs les travaux de l'observatoire des métiers qui définit les fonctions/métiers. »
Le syndrome de l’étouffoir de talents
La CGT a fait valoir que les gisements de productivité sont énormes si on exploite les salariés à bon escient. Soyons capitalistes, mais sur le capital humain !
Trop souvent seul le parcours vers des fonctions managériales jusqu’à présent permettait une progression salariale. Mais ça posait parfois le problème de compétence de certains managers . Il faut aussi savoir valoriser les gens qui ne changent pas de métiers et qui développent de l'expertise … s'ils n'en ont pas le souhait d’en changer ou les compétences nécessaires, mais qu’ils sont bons dans ce qu’ils font. Actuellement, si on ne rentre pas dans le wagon qu'on nous impose, on n'a rien. C’est ce que nous pouvons appeler le syndrome de l'étouffoir de talents.
Stéphane Dubois a reconnu que « l’enjeu impose de revoir les règles de mobilité, d'évolution de durée de poste, et qu’effectivement on adapte notre organisation pour que chacun y trouve sa place et puisse évoluer. On va clarifier les possibilités de parcours et ça passe par de l'individualisation.
Mais il faut aussi accepter l'idée qu'il n'y a pas aussi beaucoup d'autres solutions. »
JF Climent est revenu en pointant que « les choses seront basées sur les compétences, et non plus sur le métier… ».
A la Cfdt qui demandait si la direction avait la cartographie à la cible, la direction a répondu qu’il était trop tôt.
Pour conclure, le directeur des relations sociales a déclaré qu' «on n'ira pas sur des dispositifs éloignés de ceux que l'on a fait jusqu’à maintenant. On a bien 3.450 suppressions de postes sur l’ensemble de la période. 900 sont déjà faites. Ce sont des chiffres importants. Mais 1.200 pourraient partir en PTA ou autres dispositifs du genre.»
Les prochaines réunions vont déterminer la « faisabilité sociale » de la transformation et les points sur lesquels nous allons devoir négocier pour que les salariés ne soient pas les victimes des enjeux de la stratégie retenue par BDDF.
La prochaine rencontre a lieu le 20 décembre.